Ratatouille 2 : en route pour le composteur ? -- Qui n’a jamais entendu dire de la part de son entourage que le compostage attirait les rongeurs ? Ce contre-argument apparaît parmi les premiers lors de toute animation, toute réunion d’information, ou toute installation de composteurs dans un lieu quel qu’il soit. Mais alors, qu’en est-il ? Le compostage est-il forcément associé aux rongeurs, sans que nous ne puissions rien y faire ?

28/05/2021 | Biodéchets Faune
Galerie rongeur

La direction santé publique de La Rochelle a engagé un travail avec le service Prévention des Déchets afin d’étudier et de conseiller les citoyens sur les techniques dites alternatives pour maîtriser les rongeurs proches des composteurs.
Afin d’avoir plus d’éléments à ce sujet, nous avons pris contact avec Mathieu Planchenault, technicien Santé Environnement au sein de la Direction Santé Publique et Accessibilité de La Rochelle.

« En effet, un composteur qui n’est pas implanté ni géré de manière optimale peut être une source d’alimentation pour les rongeurs. Un état des lieux est donc nécessaire pour comprendre au mieux la situation et trouver les solutions adéquates. » - Mathieu Planchenault

Le rat d’égout, ou « surmulot » pour les scientifiques, est un voyageur : il a commencé à coloniser les territoires européens au XVIIIème siècle, à la faveur de nos échanges commerciaux, et a petit à petit remplacé un cousin, le rat noir, célèbre pour avoir été vecteur de la peste noire quelques siècles auparavant… maladie qu’heureusement pour nous, le surmulot est incapable de transmettre. En revanche, c’est un opportuniste avec un gros appétit : il mange l’équivalent de 5 à 10 % de son poids par jour. Il va, grâce à son flair très sélectif, être à l’affût de toute ressource alimentaire et chercher un endroit pour créer son cocon de vie au plus proche de cette source de nourriture.

Composteurs dégagésVoici donc un certain nombre de préconisations à suivre :
- laissez un passage accessible pour pouvoir surveiller visuellement les contours de vos bacs de compostage,
- veillez à dégager la végétation dense autour du ou des bacs pour éviter que les rongeurs ne s’en servent comme d’un nid douillet,
- paillez le sol de broyat de branche et / ou d’écorces, si possible de résineux, pour un effet répulsif. Cela permet aussi d’aménager un site « propre » sans matières putrescibles sur le sol,
- installez une ou deux couches de grillage à poule (ou anti-rongeurs, maille 5-6 mm) sur le fond du bac,
- et bien sûr, brassez régulièrement votre compost afin de marquer votre présence, de ne pas laisser s’installer de rats et de laisser votre odeur d’humain !

« La modification de leur environnement est un bon atout pour déranger les rongeurs et leur donner l’envie d’aller voir ailleurs. Si cela ne suffit pas, il est possible de les piéger en posant des tapettes en bois (ou des nasses en acier) au niveau de leurs trajets habituels (le long des murs et pieds de clôtures par exemple). Les raticides et autres produits chimiques (type répulsifs) sont à utiliser en derniers recours, et plutôt par des professionnels agréés ! »

Les raticides sont composés en grande partie de céréales et sont donc susceptibles d’attirer d’autres animaux que les rongeurs. Mathieu Planchenault a mené l’expérience de déposer du raticide à plusieurs endroits, en observant l’impact. Il a alors remarqué que le poison était notamment consommé par des limaces et escargots. Il n’est pas certain que cela ait un effet néfaste sur ces derniers, cependant, les oiseaux et hérissons qui s’en nourrissent peuvent, eux, en mourir… ! L’usage de biocides anticoagulant est une des causes de mortalité des rapaces, pourtant bien utiles pour maîtriser les rongeurs.

« Ce qui est paradoxal, c’est que les gens préfèrent utiliser des raticides plutôt que des tapettes en bois pour se débarrasser des rats, en qualifiant ces tapettes de barbares ! Mais il faut savoir qu’un rat ayant ingéré un raticide va agoniser pendant environ 2 semaines avant de mourir, alors qu’avec une tapette, il sera mort avant d’avoir compris ce qu’il lui arrivait... »

FuretsMais avant de penser à exterminer chimiquement ces animaux, il existe d’autres solutions pour les éloigner de votre composteur !
En plus des préconisations précédemment citées, il est possible de faire venir des entreprises professionnelles qui utilisent des furets et des chiens pour effaroucher les rongeurs et prélever les dominants / reproducteurs dans les colonies.
Des partenariats sont également créés avec la LPO (Ligue de Protection des Oiseaux) et les services Nature et Paysage pour implanter des nichoirs de rapaces nocturnes. La présence de la Chouette hulotte et de la Chouette effraie s’avère efficace dans la chasse aux rongeurs et permet de les éloigner.

Enfin, il ne faut pas oublier que la présence de rongeurs, que ce soit en ville ou en campagne, est tout à fait normale. Ces animaux ont leur place sur Terre, au même titre que les autres, et ils étaient même présents avant nous les humains.
Les rats notamment ont un rôle de nettoyage de l’espace public et de curage des réseaux souterrains. Les rats sont parfois un bio-indicateur de nos incivilités. Leur présence est souvent associée à des dépôts sauvages d’ordures ménagères, ou à des jets de nourritures sur l’espace public ou privé.

Dessin ratA savoir qu’il y a en moyenne dans les grandes villes 1,8 rats / habitants. La plupart du temps, ils sont invisibles. Cependant, lorsqu’il y a des déséquilibres dans le milieu urbain (quantités trop importantes de déchets laissés dans la rue par exemple), c’est là qu’ils deviennent visibles aux yeux de tous : c’est cela qui fait la polémique ! Le rat est donc un bio-indicateur fort utile.

« Historiquement, il y avait beaucoup de bateaux de pêche à La Rochelle, et c’était commun de voir les rats se promener sur les quais. Aujourd’hui encore, on peut en voir sur le port de plaisance, ou ils se nourrissent d’huîtres et de moules par exemple. Chacun est libre de faire la pêche à pied après tout ! »


Ressources :
- témoignage de Mathieu Planchenault, technicien Santé Environnement au sein de la Direction Santé Publique et Accessibilité de La Rochelle,
- article de journal municipal de La Rochelle de mars,
- témoignage de Pierre Falgayrac, ingénieur pédagogique et expert en gestion raisonnée des rats, via le débat organisé par Universcience et également l’émission de Europe 1.
- article de journal Sud Ouest accessible en cliquant ici et entier en cliquant là.



- Charlotte Manouvrier – animatrice du RCCNA-